Réinventer les entretiens professionnels – Article 2 – Quels sont les principes fondateurs ?

Lors du précédent article j’avais décrit les finalités des entretiens professionnels, tels que je les perçois après 20 ans de travail sur le sujet. Cet article présente les principes sur lesquels peuvent se fonder une nouvelle génération d’entretiens professionnels réinventés.

J’en ai repéré 5 et si vous en avez d’autres, ils sont les bienvenus tant les regards croisés sont sources d’enrichissement. Les 3 premiers principes, sont illustrés par les propos de Frédéric LALOUX dans son livre « Réinventer les organisations ». Ils sont repris en italique dans le texte qui suit et marqués d’un astérisque pour les repérer.

Principe  Une approche basée sur la bienveillance et sur le positif.

Cela ne signifie pas que tout le monde il est beau, il est gentil et que l’on vit dans un monde parfait, que personne n’ait besoin d’entendre les points sur lesquels un progrès est possible. Les critiques justifiées sont aussi des signes de reconnaissance et doivent être faites tout au long de l’année, sans attendre l’entretien de fin d’année pour les exprimer ou pour revenir dessus (effet double lame).

« Nous pouvons approcher le monde de 2 manières, soit celui de la peur, du jugement et de la désunion, soit celui de la bienveillance, de l’acceptation des différences et du lien. »

Quand nous avons un commentaire difficile à faire, nous n’abordons pas nécessairement la discussion avec naturel, ce qui peut nous pousser du côté de la peur, du jugement, car nous sommes certains de savoir ce qui ne va pas chez l’autre et de pouvoir le ramener dans le droit chemin ». *

Nous pouvons l’aborder sur le mode de la bienveillance, sans avoir de réponses toutes faites mais avec la possibilité d’aider notre collègue à s’évaluer lui-même plus justement, à faciliter sa propre prise de conscience par un questionnement adapté.

Principe ‚ Une approche basée sur le langage du cœur.

« On nous a dit qu’il fallait évaluer les autres aussi objectivement que possible. C’est la plupart du temps très difficile. » *

L’évaluation des savoir-être en est un bon exemple. Des critères d’appréciation des comportements peuvent être : le sens des relations humaines, l’esprit de synthèse, le sens des responsabilités, la rigueur, la persévérance, la curiosité …

Vous avez déjà probablement vu des grilles d’évaluations des savoir être avec des échelles de valeur. Toute ressemblance avec des grilles existantes ou ayant existé ne serait que pure coïncidence J

Exemple d’échelle :  Expert □  Maîtrise □  Pratique □    Initié □  Non requis □

Connaissez-vous un métier où le sens des relations humaines n’est pas requis, sauf à travailler seul dans une tour d’ivoire sur une autre planète. Une fonction dans une organisation est nécessairement reliée à d’autres : collègues, hiérarchie, élus, publics … et pourtant des grilles d’évaluation prévoient cette possibilité (cf. échelle ci-dessus).

Que signifie avoir le sens des relations humaines, avoir une capacité d’adaptation ou encore être rigoureux et mieux encore être expert sur ces sujets ou dépasser un niveau d’exigence comme d’autres grilles le proposent ?

Les évaluations à 2 sont difficilement objectives, ce qui ne nous empêche pas de croire qu’elles le sont. Si nous faisons de nos impressions subjectives « des vérités » et il ne faut pas s’étonner que la personne évaluée se ferme à nos critiques.

« Au lieu de nous couvrir du manteau de l’objectivité supposée, nous pouvons assumer notre subjectivité. Nous devons apprendre à parler à la 1ère personne pour exprimer à quel point nous sommes enthousiasmés, touchés, intrigués, blessés, déçus ou encore mis en colère par ce que l’autre a dit ou fait.

Donné de cette façon, un commentaire n’est plus une évaluation objective mais une réflexion à 2. Nous laissons apercevoir notre monde intérieur pour aider l’autre à mieux comprendre l’effet de son comportement. Plus nous nous ouvrons, plus nous invitons l’autre a en faire autant. » *

La responsabilité du manager est d’être le 1er. « à s’ouvrir » pour amener son collaborateur sur le même registre.

Principe ƒ Une approche basée sur une aide à la réflexion via des questionnements, un film et non une photo instantanée du présent.

Il s’agit de passer d’un bilan fait à l’aide de critères, niant la personne en la réduisant à des cases à cocher, à une réflexion éclairant les rôles joués actuellement à la lumière de son parcours professionnel, de son projet de vie, en abordant ses envies, son potentiel.

Cela ne peut se traduire par des notes, des échelles infantilisantes. Il faut se placer sur un plan personnel, faire remonter les histoires, célébrer les succès et aller chercher ce que les échecs nous enseignent.

Principe „ Une approche resituant le rôle de chacun au sein du collectif

Réussir ses missions ne peut difficilement se faire sans les apports d’autres personnes avec lesquelles les relations sont nécessaires. L’entretien individuel peut être précédé d’un temps collectif d’échanges regroupant les personnes qui doivent travailler ensemble pour réussir leurs missions respectives.

Il est demandé à chacun à tour de rôle, de dire à un de ses collègues qui est alors en posture d’écoute, un trait remarquable de celui-ci en répondant à une question de ce type : « Qu’est ce que travailler avec toi m’apporte de plus précieux ? »

Ensuite, chacun exprime une attente au collègue : « Quel est le domaine dans lequel je perçois que tu pourrais changer, m’apporter plus, mieux … ? ».

Les réponses de chacun sont notées, il n’y a pas de commentaires, d’échanges, de questions à ce stade et on fait cadeau de la frise à tout le monde. Les traits remarquables et attentes exprimés pendant ce temps collectif, sont repris dans chacun des entretiens individuels.

Principe … Une approche fondée sur le principe de l’amélioration permanente pour faire vivre le cycle de vie des entretiens professionnels et éviter que la routine ne s’installe.

Cela amène à débriefer avec les parties prenantes chaque campagne d’entretiens, à étudier d’une part, les idées, propositions faites concernant à la fois le fonctionnement de l’organisation dans son ensemble ou encore d’une direction et d’y apporter une réponse et de la faire connaître, pour montrer en quoi les entretiens créent de la valeur.

D’autre part il s’agit aussi d’analyser les outils servant de support à l’entretien, les pratiques des managers et des équipiers pour assurer une relation de qualité et de trouver des solutions pour les améliorer.

Pour conclure momentanément ces premières réflexions, réinventer les entretiens professionnels est un projet à part entière. Réussir ce projet nécessite :

·      qu’il soit porté avec force et conviction au plus haut  niveau,

·      de porter un regard un peu décalé et distancié sur les pratiques antérieures,

·      de laisser la force de l’imagination créatrice s’exprimer et pour expérimenter quelque chose de nouveau

·      de prendre en compte dès sa conception les résistances possibles au changement, de « baliser le chemin »,

·      d’en partager le sens avec l’encadrement en partant d’une proposition de reconfiguration, base de discussion en utilisant par exemple la méthode de prise de décision par consentement issue de la sociocratie * pour la faire évoluer afin qu’elle devienne leur proposition.

Le chemin est long de l’idée à la chose, disait Molière mais le trajet est aussi important que la destination.

*http://www.sociocratie-france.fr/2018/03/la-prise-de-decision-par-consentement-un-outil-formidable.sous-conditions.html

Le prochain article proposera des questions servant de support à l’entretien reconfiguré dans le respect des principes décrits dans cet article.

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